Nous vivons l'Année de la Foi. Le 1er octobre 2012, le Cardinal Jorge Mario Bergoglio, l'archevêque de Buenos Aires adressa une belle lettre pastorale aux chrétiens de l'archidiocèse en les invitant à ouvrir les portes et franchir le seuil de la foi. Il partait de ce phénomène: «L'insécurité croissante nous amène, peu à peu, à fermer les portes, à mettre de moyens de vigilance, des caméras de sécurité et à se méfier de l'étranger qui frappe à notre porte. Cependant, il y a encore quelques villages qui gardent leurs portes ouvertes. La porte fermée est tout un symbole de l'aujourd'hui». Après con élection comme Pape, ce texte acquiert une signification spéciale. Le web de la Forge le propose comme une invitation a ne pas nous fermer dans nos sécurités et à nous ouvrir au risque de croire.
LETTRE PASTORALE
SUR L'ANNÉE DE LA FOI
Chers frères:
Parmi les plus fortes expériences des dernières décennies c'est celle de trouver des portes fermées. L'insécurité croissante a amené, peu à peu, à épaissir les portes, à mettre des moyens de surveillance,, des caméras de sécurité, à se méfier de l'étranger qui frappe a notre porte. Malgré cela, il y a, encore, des villages avec des portes ouvertes. La porte fermée est tout un symbole de notre aujourd'hui. C'est quelque chose au de-là d'une simple donnée sociologique; c'est une réalité existentielle qui façonne un style de vie, un mode de s'arrêter devant la réalité, devant les autres, devant l'avenir. La porte fermée de ma maison, qui est l'endroit de mon intimité, de mes rêves, de mes espoirs et de mes souffrances ainsi que de mes joies, est fermée aux autres. Et il ne s'agit pas seulement de ma maison matérielle, mais aussi de l'enceinte de ma vie, de mon cœur. Ils sont de moins en moins nombreux ceux qui peuvent franchir ce seuil. La sécurité de portes blindées protège l'insécurité d'une vie qui devient de plus en plus fragile et de moins et moins perméable aux richesses de la vie et de l'amour des autres.
L'image d'une porte ouverte a toujours été symbole de lumière, d'amitié, de joie, de liberté, de confiance. Combien nous avons besoin de les récupérer! La porte fermée nous blesse, nous ankylose, nous sépare. .
Nous entrons dans l'Année de la foi et, paradoxalement, l'image que le Pape nous propose c'est celle de la porte, une porte qu'il faut franchir si l'on veut trouver tout ce qui nous manque. L'Église, à travers de la voix et du cœur du Pasteur Benoît XVI, nous invite à franchir le seuil, à faire un pas de décision intérieure et libre: à nous décider à entrer dans une nouvelle vie.
La porte de la foi nous renvoie aux Actes des Apôtres: «À leur arrivée, ils se réunirent dans l'église, racontèrent tout ce que Dieu avait fait par eux et comment il avait ouvert la porte de la foi aux païens» (Ac 14,27). Dieu prend toujours l'initiative et ne veut que personne ne soit exclue. Dieu frappe à la porte de nos cœurs: Regarde, je suis à la porte et frappe; si quelqu'un écoute ma voix et ouvre sa porte, j'entrerai chez lui et mangerai avec lui et lui avec moi (Ap 3, 20). La foi est une grâce, un cadeau de Dieu. «La foi croît et se fortifie seulemet en croyant; dans un abandon continuel aux mains d'un amour que l'on expérimente toujours plus grand car il tient son origine en Dieu».
Franchir cette porte suppose entreprendre un chemin qui dure toute la vie au fur et à mesure que nous avançons devant tant de portes qui s'ouvrent à nous, aujourd'hui, à nous, beaucoup d'entr'elles des portes fausses, des portes qui invitent, d'une façon attirante mais mensongère, à prendre le chemin, qui promettent un bonheur vide, narcissiste et avec un date d'expiration; des portes qui nous mènent à des carrefours où, peu importe l'option que nous allons choisir, produiront, à courte ou longue échéance, de l'angoisse et de la confusion; des portes autoréférentielles qui, aujourd'hui, s'épuisent par elles-mêmes et sans garantie d'avenir. Pendant que les portes de maison restent fermées, celles de magasins restent toujours ouvertes. On franchit le seuil de la foi lorsque la Parole de Dieu est annoncée et le cœur se laisse façonner par la grâce qui le transforme. Une grâce qui porte un nom concret et ce nom c'est Jésus. Jésus est la porte (Juan 10:9) «Il, et Lui seul est et sera toujours, la porte. Personne ne va au Père si ce n'est pas par moi» (Jn 14, 6). Si le Christ n'est pas là, il n'y a pas du chemin vers Dieu. En tant que porte, il nous ouvre le chemin vers Dieu et, entant que Bon Pasteur, il est le seul à s'occuper de nous au coût de sa propre vie.
Jésus est la porte et il frappe à notre porte pour nous le laissions franchir le seuil de notre vie. N'ayez pas peur...Ouvrez-la tout grand au Christ, comme disait le Bienheureux Jean-Paul II au début de son pontificat. Ouvrez les portes de votre cœur comme les disciples d'Emmaüs, en lui demandant de rester avec nous, afin que nous puissions franchir les portes de la foi et que le Seigneur lui-même nous porte à comprendre les raisons de croire et sortir, après, l'annoncer. La foi suppose la décision de rester avec le Seigneur pour vivre avec lui et le partager avec les frères.
Rendons grâces à Dieu pour cette opportunité de valoriser notre vide de fils de Dieu, pour ce chemin de foi qui commença dans notre vie avec les eaux du Baptême, l'inépuisable et fécond rosée qui nous fait des fils de Dieu, membres frères dans l'Église. Le but ou la fin c'est la rencontre avec Dieu, avec qui nous sommes déjà rentrées en communion et qui veut nous restaurer, nous purifier, nous élever, nous sanctifier et nous donner le bonheur qui souhaite notre cœur.
Nous voulons rendre grâce à Dieu parce qu'il a semé au cœur de notre église archidiocésaine le désir de transmettre et accueillir à mains ouvertes le don du baptême. C'est le fruit d'un long cheminement commencé avec la question: Comment être église à Buenos Aires? passé du chemin d'État d'Assemblée à celui de Mission comme option pastorale permanente.
Commencer cette année de la foi c'est un nouvel appel à approfondir dans notre vie cette foi que nous avons reçue. Professer la foi avec la bouche implique la vivre dans le cœur et la montrer avec les œuvres: un témoignage et un engagement publiques. Le disciple du Christ, fils de l'Église, ne jamais penser que croire est un fait privé. C'est un défi important et fort de chaque jour, convaincus que celui qui a commencé avec vous la bonne œuvre, la perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ (Fil.1:6) En regardant notre réalité, en tant que disciples missionnaires, nous nous demandons: quel est le défi de franchir le seuil de la foi?
Franchir le seul de la foi nous lance un défi de découvrir que, même si, aujourd'hui, la mort dans ses diverses formes semble régner et que l'histoire se régit par la loi du plus fort ou astucieux et si la haine et l'ambition fonctionnent comme les moteurs de tant de luttes humaines, nous sommes aussi absolument convaincus que ce triste réalité peut et doit changer décidément, car «si Dieu est avec nous, qui pourrait quelque chose contre nous?» (Rm. 8:31,37)
Franchir le seuil de la foi suppose ne pas sentir de la honte d'avoir un cœur d'enfant, qui, parce qu'il croît encore en l'impossible, peut vivre dans l'espérance: la seule chose capable de donner du sens et transformer l'histoire. C'est demander sans cesse, prier sans défaillir et adorer pour que notre regard se transfigure.
Franchir le seuil de la foi nous porte à demander pour chacun de nous «les mêmes sentiments du Christ Jésus» (ph. 2, 5) et, ainsi, expérimenter une nouvelle façon de communiquer entre nous, de nous regarder, de nous respecter, d'être en famille, de planifier l'avenir, de vivre l'amour et la vocation.
Franchir le seuil de la foi c'est, confier en la force de l'Esprit Saint, présent dans l'Église et qui se manifeste aussi dans les signes du temps; c'est accompagner le mouvement incessant de la vie et de l'Histoire sans tomber dans défaitisme paralysant, comme si tout était mieux avant; c'est l'urgence de penser à nouveau, d'apporter du nouveau, pétrir la vie avec le «nouveau levain de la justice et de la sainteté» (1 Co 5:8)
Franchir le seuil de la foi implique avoir les yeux d'étonnement un cœur peu habitué , capable de reconnaître que chaque fois qu'une femme accouche d'un enfant on continue de parier pour la vie et pour l'avenir, que chaque fois que nous nous occupons de l'innocence des jeunes nous garantissons la vérité d'un lendemain et que quand nous cajolons la vie engagée d'un vieillard nous faisons un acte de justice et dorlotons nos racines.
Franchir le seuil de la foi c'est le travail vécu avec dignité et avec une vocation de service, avec le dévouement de celui que revient, encore et encore, sans relâcher, comme si tout n'était qu'un pas dans le chemin vers le royaume. C'est l'attente silencieuse après l'ensemencement quotidien; c'est contempler le fruit recueilli en rendant grâce au Seigneur, car il est bon et en demandant qu'il n'abandonne pas l'œuvre de ses mains (Ps 137)
Franchir le seuil de la foi exige lutter pou la liberté et la vie ensemble, même si l'entourage faillit à ses devoirs, dans la certitude que le Seigneur veut que nous pratiquions le droit, que nous aimions le bon et cheminions humblement avec notre Dieu ( Mi 6:8)
Franchir le seuil de la foi comporte la conversion continue de nos attitudes, de nos manières de nous comporter avec les autres avec qui nous vivons; reformuler, pas simplement rafistoler ou vernir, donner la nouvelle forme que Jésus Christ imprime à tout ce que sa main et son évangile de vie touche, nous encourager à faire quelque chose d'inédit pour la société et l'Église, car «Celui qui est dans le Christ et une créature nouvelle» (2 Co 5,17-21)
Franchir le seuil de la foi nous porte à pardonner et à savoir arracher un sourire, c'est s'approcher de celui qui vit dans le périphérie existentielle et l'appeler par son nom avec la certitude que ce que nous faisons pour le plus petit de nos frères c'est à Jésus lui-même que nous le faisons. (Mt. 25, 40)
Franchir le seuil de la foi suppose célébrer la vie, nous laisser transformer, car nous somme devenus un avec Jésus à la table de l'Eucharistie, célébrée en communauté, et ainsi être, avec notre cœur et nos mains, occupés à travailler dans le grand projet du Royaume; tout le reste nous sera donné par surcroît (Mt. 6.33)
Franchir le seuil de la foi c'est vivre dans l'Esprit du Concile et de l'Apparue; l'Église aux portes grand ouvertes, pas seulement pour recevoir, mais, fondamentalement, pour sortir et remplir de l'Évangile la rue et la vie des hommes de notre temps.
Franchir le seuil de la foi notre Église archidiocésaine, suppose nous sentir confirmés dans la Mission d'être une église qui vit, prie et travaille à partir d'une vision missionnaire.
Franchir le seuil de la foi c'est, en définitive, accepter la nouveauté de la vie du Ressuscité dans notre pauvre chair pour la rendre un signe de nouvelle vie.
Regardons Marie lorsque nous méditons ceci. Qu'Elle, la Mère Vierge, nous accompagne dans ce franchissement du seuil de la foi et apporte sur notre église de Buenos Aires l'Esprit Saint, comme à Nazareth, afin que, comme Elle, nous adorions le Seigneur et nous partions annoncer les merveilles dont il nous a comblés.
1er octobre 2012
Fête de Ste-Thérèse de l'Enfant Jésus
Card. Jorge Mario Bergoglio s.j.